Brésil : La guerre de la langouste

Février 1961 : quatre langoustiers douarnenistes se rendent au Brésil.

La pêche, qui devenait difficile sur le banc d'Arguin, poussa les douarnenistes à étendre les lieux de pêche outre Atlantique jusqu'au Brésil. Cette campagne débuta sur une initiative menée par le syndicat des armements de Douarnenez qui négocia avec les brésiliens une possibilité de pêche langoustière au large de leurs côtes.

Publié par Le Marin Le 3 mars 1961.
A diverses reprises les professionnels de la pêche avaient réclamé l'aide des pouvoirs publics pour financer la prospection de nouveaux fonds, en vain... Au début 1961 iIs s'organisèrent eux mêmes, producteurs et acheteurs, pour subventionner à leur frais la recherche de nouvelles zones de pêche, ils choisirent le Brésil.
Une délélégation s'envola vers ce pays, négocia sur place et dès son retour le Lonk-Aël, patron Jean Chorlay, et le Gotte , patron Eugène Quéré, quittèrent Douarnenez pour le Brésil.
En février 1961 une délégation d’armateurs et de mareyeurs Douarnenistes se rend au Brésil . Reçue par l’amiral commandant du secteur de Récife elle négocia une autorisation de pêche (orale) pour trois langoustiers avec un fonctionnaire brésilien à bord à titre d’expérience.

Dés la fin février 61 quatre langoustiers douarnenistes mirent le cap sur le Brésil. Après un mois de route, en passant par Dakar pour faire le plein de gazoil, ils arrivèrent à Récife.
3 navires seulement étant prévus, l'arrivée du 4 ème provoqua la surprise des autorités et une forte contestation de la part des pêcheurs locaux.
La campagne eu lieu en dehors des 12 milles  et les langoustiers pêchèrent dans leurs casiers une grande quantité de petites langoustes brunes mais au bout de quelques semaines se rendirent compte que ces langoustes se conservaient mal en vivier, certains bateaux perdirent la moitié de leur pêche.
D'autre part ils subirent une forte hostilité de la part des pêcheurs brésiliens, entretenue à terre par une violente campagne de presse.
Au mois de mai, les quatre langoustiers quittèrent les lieux et finirent leur voyage en Mauritanie pour essayer d'amortir ce long périple.
Cette expérience montra que les langouste brunes du Brésil, plus petites que les langoustes mauritaniennes, était exploitables mais leur transport en vivier n'était pas rentable, la mortalité étant importante pendant le voyage retour (13 000 km). Cette pêche convenait plutôt aux langoustiers congélateurs.



1962 : nouvelle campagne au Brésil

En décembre 61 le langoustier Cassiopée (de Douarnenez) qui sur le Banc d’Arguin peinait à remplir son vivier, prit la décision, malgré les risques connus, d'aller tenter sa chance au Brésil. Dès le début janvier 1962 il fut arraisonné à deux reprises par l'Ipiranga (V17), une corvette de la marine brésilienne, en dehors des eaux territoriales du Brésil qui étaient officiellement de 4 milles.

A cette même période, le 12 décembre 1961, le Folgor quittait Camaret et se dirigeait lui aussi vers le Brésil. Averti des problèmes subis par le bateau douarneniste il fit une rapide et fructueuse campagne de 3 semaines très au large du Brésil, à 150 milles des côtes. Fin février il quittait ces eaux avec 10 tonnes de queues de langoustes brunes en chambre froide.
Il continua sa campagne sur le Banc d'Arguin et rentra à Camaret le 28 avril 1962 avec 18 tonnes de langoustes roses vivantes en plus des 10 tonnes de brunes congelées.

Le Françoise-Christine, parti de Camaret un peu plus tard, le 7 février 1962, effectua lui aussi un voyage au Brésil sans être inquiété et rentra en France le 1er juin avec 27 tonnes de langoustes brunes congelées.

Article du Marin
Le Marin du 10 aout 1962.

Quelques jours après le gouvernement brésilien décidait d'interdire le plateau continental aux langoustiers, les bateaux de Camaret et de Douarnenez en pêche furent pourchassés par la marine de guerre brésilienne.
Le 14 juin 1962, puis le 10 juille, t les langoustiers douarnenistes Plomarch et Lonk-Aël furent arraisonnés et fortement incités à quitter les lieux.
Le 06 aout 1962 Françoise-Christine et Folgor, revenus pour une nouvelle campagne, furent à leur tour arraisonnés par l'Ipiranga à 24 milles des côtes au large de Ceará et conduits à Fortaleza.

Cinq bateaux arraisonnés en 6 mois, les conditions devenaient trop difficiles pour nos pêcheurs bretons qui, en fonction des règles internationales, se considéraient comme étant dans leur droit. La langouste abondait mais devant l'intransigeance de la marine brésilienne la rentabilité des voyages devenait incertaine.
Forts mécontents de ne pas être soutenus par la marine française les bateaux renoncèrent et traversèrent l'Atlantique vers le Banc d'Arguin au large de la Mauritanie pour essayer de sauver leur campagne de pêche après avoir perdu beaucoup de temps.

Arraisonnement du FC
La corvette brésilenne "Ipiranga" chargée de la surveillance des pêches intercepte le "Françoise-Christine" - (collection famille Salaün)

Appuyés par plusieurs élus locaux les marins et armateurs firent appel au gouvernement français pour une intervention auprès des autorités brésiliennes en vue de régler ce problème de droit international.
Le 5 décembre 1962 une délégation de Camaret et de Douarnenez fut reçue à Paris par Mr Jean Morin (secrétaire général de la marine marchande). Les pêcheurs langoustiers demandaient d’être protégés contre ces arraisonnements en ayant sur zone la protection d'un navire militaire français (Ouest-France du 6/12/62)
Des négociations entre le Brésil et la France étaient en cours mais n’aboutissaient pas. Les réponses tardaient et Camaret et Douarnenez s'apprêtaient pour une nouvelle campagne de pêche.

 

1963 : retour au Brésil

Le gouvernement français envoya une mission au Brésil le 12 janvier 1963 mais aucun accord ne fut conclu. Pour les brésiliens l'exploitation des "ressources naturelles du plateau continental" leur était réservée et ils y incluaient la langouste.
Les pêcheurs bretons avaient commencé leur campagne, en dehors des 12 milles du Brésil.
Le 30 janvier 1963 un patrouilleur brésilien interceptait le Françoise-Christine (pour la deuxième fois) , le Gotte (Dz) et le Banc d'Arguin (Dz). Il leur était demandé de s'éloigner à 200 milles des côtes. Les langoustiers bretons, persuadés d'être dans leur droit, refusèrent. Ils furent arraisonnés et conduits au port militaire de Natal.

Arraisonnement du FC
A bord du "Françoise Christine" François Salaun, contraint de remettre ses papiers et cartes à la marine brésilienne (collection famille Salaün)
L’ambassadeur de France négocia leur libération et la possibilité de pouvoir continuer la pêche pendant les pourparlers en vue d’un règlement amiable du conflit, le 9 février ils étaient libérés.

Le 18 février 1963 les autorités brésiliennes, sous la pression populaire, changèrent d’avis et leur donnèrent 48 heures pour quitter les eaux du plateau continental brésilien.
La flotte française, qui se trouvait à ce moment-là à Dakar, délégua l'escorteur d'escadre le Tartu, remplacé quelques jours plus tard par le Paul Goffeny, pour venir assister les langoustiers. Il se positionna à 100 milles des côtes et regroupa les langoustiers autour de lui : Le Folgor, Le Françoise-Christine, le Lonk-Aël (Dz), Le Toulinguet, Le Banc d'Arguin, Le Gotte (Dz).

Le 8 mars 1963 les six langoustiers sur zone reçurent des autorités françaises l'ordre de quitter les parages et le Paul Goffeny regagna à son tour sa base le 10 mars.
La France s'inclina devant l'autorité brésilienne ce qui mit fin aux espoirs de développement de cette pêche.

lien (sautez la pub) exemple brésilien de la campagne contre les langoustiers finisteriens en 1963


Petite vidéo prise depuis le Folgor en 1963 : guerre de la langouste

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Cette courte vidéo, prise en février 1963 par Paul Marrec à bord du Folgor, montre l'ambiance qui régnait à bord des langoustiers finistériens alors qu'ils se rassemblaient autour du "Tartu" puis du "Paul Gaffeny". L'attente a duré quelques jours, il y avait des échanges avec les bateaux militaires, certains pêcheurs sont même allés au cinéma à bord du "Tartu".