Ma Petite Folie

Premier voyage (25 avril - 21 juillet 55)

Ma petite Folie
Ma "Petite Folie".

Petite Folie et son équipage quittèrent Camaret le 25 avril 1955, en route pour une aventure incertaine. Le bateau est équipé pour la langouste verte :
deux annexes motorisées et des filets à langoustes. Comme les camarétois n'ont jamais pratiqué ce métier, Louis Callec a embauché deux douarnenistes expérimentés.
Ils ont également embarqué 100 casiers du même type que ceux utilisés pour la langouste rouge et une tonne de grondins salés (appât pour les casiers) . Le langoustier est équipé d'une radio.

La prospection de la langouste rose commence à 45 milles nautiques dans le NW du Cap Blanc durant deux jours, sans aucun résultat.

Le patron Callec décide alors d'aller au Cap Blanc où se pêche la langouste verte.

La pêche des langoustes vertes, au filet sur les côtes de Rio Del Oro, démarre mal, 500 kgs en 10 jours, ce qui est un maigre résultat.
Puis renseigné à la radio par le chalutier marocain El Mabrouk sur une zone favorable pour la langouste rose, Louis Callec tente un nouvel essai par 18°30 de latitude Nord sur des fonds de 100 mètres.

Les débuts sont difficiles : le premier jour aucune langouste, deux le lendemain, puis la pêche s'améliore. En 10 jours, Ma Petite Folie relève dans ses casiers 3 tonnes de roses mais se verra bientôt dans l'obligation d' interrompre la pêche un homme de l'équipage étant malade. Il doit être soigné à Port-Etienne. Ils perdent ainsi 8 jours et au retour ne retrouvent pas leur base. Après encore 5 jours de tâtonnement la pêche reprend, 3 tonnes sont embarquées les 10 jours suivants.
Puis le temps se gâte, pendant une semaine de forts courants les empêchent de travailler. Le patron Callec décide alors de retourner au Cap Blanc sur les bancs de langoustes vertes car il faut assurer la rentabilité du voyage. En deux semaines 4.5 tonnes de vertes sont mises en viviers.
ils décident de rentrer en France. La Petite Folie a dans son vivier 7.5 t de langoustes roses et 5 t de langoustes vertes.

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A bord de "Ma Petite Folie". A la pêche aux langoustes vertes la réparation des filets prend une grande partie du temps libre. Au premier plan un boite de ramandage qui servait à ranger les aiguilles (navettes), le fil et la cire pour faire glisser le fil. (Coll privée)

Le retour est mouvementé car le langoustier rencontre des vents contraires et une mer forte au sud des Canaries . La cargaison vivante souffre des mouvements du bateau.

Arrivés à Camaret le 21 juillet, le voyage aura duré 90 jours, l'équipage de Ma Petite Folie décharge 3.1 t de roses et 5 t de vertes. Durant la traversée ils ont perdu 5 t de langoustes roses, c'est énorme et la déception est grande. La perte est attribuée aux mauvaises conditions climatiques durant le retour.

Louis Callec a démontré : Que la langouste rose existe bien, qu'on peut la pêcher au casier au même titre que la rouge.

Que des problèmes restent à régle r: Le transport de ces crustacés est délicat et occasionne une forte mortalité. Les pertes du retour ont été attribuées aux mouvements du bateau du aux mauvaises conditions météo.
Autre problème: La commercialisation. La taille de ces langoustes ne correspond pas aux attentes de la clientèle, elles sont trop grosses (2 kg en moyenne).


Deuxième voyage (11 aout - 3 novembre 55)

"Ma Petite Folie" quitte Camaret le 11 aout 1955 pour continuer les essais de pêche de langoustes roses.
Après une escale de deux jours à Port -Etienne, le langoustier appareille le 26 aout pour l’ouest du Banc d’Arguin, latitude 19°55 N par des fonds de 100 mètres. En 3 jours ses 175 casiers ne pêchent que 14 langoustes. Ils font ensuite escale à Port Etienne afin de réparer le sondeur et embarquer un membre de l’ISTPM (Institut Scientifique et Technique des Pêches Maritimes) puis se remettent en pêche le 2 septembre.
En 7 jours 2.9 tonnes de langoustes pesant en moyenne 1.7 à 1.8 kg sont pêchées. Mais l’équipage se rend compte d’une forte mortalité à l’intérieur du vivier. Louis Callec décide d’abandonner la pêche des langoustes roses et d’assurer son voyage avec des langoustes vertes au Cap Blanc.
Ma Petite Folie est rentrée à Camaret le 3 novembre 1955 avec 10 tonnes de langoustes vertes vendues 660 fr/kg. Toutes les langoustes roses étaient perdues.

Conclusions : Louis Callec a perdu la totalité de sa pêche de langoustes roses, non à cause du mauvais temps mais selon les conclusions de l’ Institut des Pêches, à la différence de température entre les eaux de surface (28°) et celle du fond à 100 mètres (15°).

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A la langouste verte à bord de "Ma Petite Folie". Beaucoup de filets sur le pont. à l'avant on distingue un tangon qui servait à accoster les annexes et les tenir écartée du bateau. (coll Privée)

Troisième voyage (20 Décembre 1955-13 février 56)

Ma Petite Folie et son équipage quittent Camaret le 20 décembre 1955 pour son troisième voyage, avec toujours le même objectif, celui de maitriser cette pêche d’une nouvelle espèce de langoustes LA ROSE.
Après une escale à Vigo le 24 décembre pour soins médicaux au patron, ils vont faire le plein de gazoil à Las Palmas (Canaries) le 1er janvier 1956.
Le 5 janvier à Port Etienne ils se joignent à la "Tramontane", mauritanien de Douarnenez, pour tester la pêche à la langouste rose.
Descendus plus au sud (19°23 N à 19°28 N) les 175 casiers sont mouillés par 80 à 100 mètres de fond. "Ma Petite Folie" pêche 12.4 tonnes de langoustes roses en 16 jours. Elles sont très grosses, 2 kgs en moyenne.
La pêche étant assurée ils mettent le cap sur la France en surveillant attentivement le vivier. Pour la première fois,  ils sont équipés d’un scaphandre qui permet de descendre à l’intérieur de ce vivier afin d'en surveiller la cargaison.
Durant le voyage du retour ils rencontrent du mauvais temps et perdent environ 600 langoustes , soit 10% de la cargaison.
Le 13 février ils déchargent 10.760 kg de langouste roses à 450 Fr/kg.
Le voyage est techniquement réussi mais la rentabilité reste faible.

Conclusions : Louis Callec et son équipage ont prouvé qu’on pouvait pêcher la langouste rose avec des casiers et la transporter vivante en vivier.
Le paramètre critique est maintenant identifié : celui de la température, les eaux chaudes de l’été ne permettent pas la conservation en vivier.
La "Tramontane", langoustier de Douarnenez, a aussi réussi son voyage.

Quatrième voyage (28 février 56 -12 avril 56 (45 jours) )

Après 15 jours d'escale à Camaret, "Ma Petite Folie" reprend la mer pour une quatrième expédition dont l'objectif est de pêcher des langoustes plus petites que les précédentes. La taille idéale pour une bonne commercialisation doit être inférieure au kilo.

Langouste rose
Langoustes roses au premier plan et langoustes rouge dessous (photo M.T prise en bassin).

Le 7 mars 1956 le langoustier fait une escale à Las Palmas (Canaries) pour effectuer un plein de gazoil. Le 12 il est à Port Etienne (Mauritanie) pour soigner quelques malades et rencontrent des membres de l' ISTPM et des patrons de chalutiers qui les conseillent sur les zones favorables.

Le 15 mars ils débutent leur recherche par 19°50 N sur des fonds de 70 à 90 mètres, la pêche est bonne mais les langoustes encore trop grosses, elle dépassent souvent les 2 kilos, une partie est rejetée à la mer. En 8 jours ils remontent 10.5 t dont 2.5 t rejetées car trop grosses.
Le 1er avril 56, c'est la fin du voyage. Le message attendu par les familles est diffusé sur Conquet radio : "Ma Petite Folie route France". Il leur faut encore 13 jours pour rejoindre Camaret ou il débarquent 12,3 tonnes de langoustes vendues 550 fr le kilo.

Le voyage est réussi mais pas d'une grande rentabilité.

 

Bilan de Louis Callec.

Louis Callec est décédé d' un problème cardiaque à la veille du départ du 5ème voyage. Pendant une année il s'était obstiné à mettre au point cette exploitation de la langouste rose. Il voulait "sauver le port de Camaret" disait-il. Son premier voyage avait démontré que ce type de langouste pouvait être pêché au casier comme la langouste rouge. Cependant le transport et la conservation en vivier posait problème. Peu à peu, avec l'aide des scientifiques de ISTPM (Institut Scientifique et Technique des Pêches Maritimes), plusieurs paramètres furent identifiés, le plus important étant la différence de température de l'eau entre le fond et la surface de la mer. Il y avait également le comportement de ce crustacé dans le vivier qui empêchait un bon renouvellement de l'eau.
Au cours de ces quatre voyages Louis Callec et sont équipage apportaient des solutions aux problèmes techniques et posaient les bases de cette pêche hauturière. Les patrons et armateurs camarétois comprirent vite l'intérêt de cette nouvelle activité car dès 1955 un deuxième mauritanien était mis en chantier à Camaret (La Belle Bretonne). D'autres allaient suivre : en 1957 (Monseigneur Landreau), deux autres en 1958 et encore quatre en 1959... Sans compter ceux de Douarnenez qui très rapidement se mirent aussi à la langoute rose avec la "Tramontane" etc ..............

Le langoustier "Ma Petite Folie" avait été construit pour pêcher la langouste verte, il n'était pas équipé de congélateur et de chalut . Au cours des premiers voyages les casiers, mouillés par quatre sur un orain, étaient relevés à la main car il n'y avait pas de cabestan. Les patrons de mauritaniens suivants allaient apporter toutes les améliorations pour en faire une pêche industrielle. La "Belle Bretonne" et tous les autres mauritaniens profitèrent de ces améliorations.

Le lendemain du décés de Louis Callec, la "Belle Bretonne" appareillait pour son premier voyage en Mauritanie. Deux jours plus tard "Ma petite Folie" reprenait la mer pour son cinquième voyage avec un nouveau patron.
    Louis Callec avait ouvert la voie.

Langouste rose
Ambroise Drévillon, deuxième patron du langoustier mauritanien "Ma Petite Folie".(collection privée)

Le 5eme voyage de "Ma Petite Folie"

Le départ se fit juste après les obsèques du patron Callec. "Ma petite Folie" reprenait la mer le 07 mai 1956 avec le patron Ambroise Drévillon qui décida de retourner pêcher des langoustes roses avant la saison chaude. Ils trouvèrent de grandes quantités de langoustes plus petites sur des fonds de 100 à 150 m. Pendant 8 jours ils pêchèrent 2 t par jour. Une fois le vivier plein (17 t estimées), ils mirent le cap sur Le Finistère. Le voyage retour fut difficile avec des vents conrtaires et un fort clapot, la cargaison souffrant dans le vivier. Chaque jour l'équipage en retirait une importante quantité de langoustes mortes.
le 17 juin 56, après un voyage de 40 jours, le bateau est rentré à Camaret et a débarqué 8.5 tonnes de langoustes roses vendues 400 francs le kilo. L'équipage de "Ma Petite Folie" estima avoir perdu 7,5 tonnes de langoustes.