Les débuts de la Mauritanie

 

En 1953-1954 situation difficile.

La langouste rouge se fait rare.

A cette époque Camaret était spécialisé dans la pêche à la langouste rouge. La flottille camaretoise se composait de langoustiers plus petits que les mauritaniens de Douarnenez. Ils allaient pêcher dans les eaux portugaises, marocaines, certains bateaux allaient en Méditerranée, en Algérie, en Tunisie et même en Grèce. L’été ils fréquentaient beaucoup la Cornouaille anglaise, parfois l’Irlande ou l’Ecosse.
La langouste rouge qui avait été abondante après les 5 années d’interruption dues au deuxième conflit mondial commençait à se faire rare, victime de l’effort de pêche.
Les langoustiers camarétois qui avaient débarqué plus de 450 tonnes de langoustes par an à la fin des années 40 (474 tonnes en 1949, un record), voyaient leur production diminuer. En 1953 les débarquements étaient tombés à 217 tonnes de langoustes rouges. En 4 ans la pêche avait diminué de moitié, chaque année les tonnages baissient et même si prix étaient à la hausse, le métier était en danger.
Il était important de réagir.

graphique

Evolution de la pêche de langoustes rouges à Camaret de 1934 à 1953


Deux idées commençaient à poindre chez les patrons et les armateurs.

La Langouste verte ?

La première idée était d'imiter les douarnenistes qui depuis 1913 pêchaient de la langouste verte dans les parages du Cap Blanc sur les côtes du Rio del Oro et de la Mauritanie. A Camaret on voyait réguliàrement les mauritaniens douarnenistes venir vendre et leur pêche et décharger leur cargaison de langoustes vertes. Ces bateaux ramenaient des tonnages importants de l’ordre de 10 à 15 tonnes, achetées par les mareyeurs locaux. En 1953 ils avaient débarqué 100 tonnes de langoustes vertes dans notre port, achetées par les mareyeurs de Camaret.

Les grands langoustiers douarnenistes partaient pour deux ou trois mois sur les côtes d’Afrique. C’était une pêche très différente de la pêche aux casiers pratiquée par les bateaux de Camaret, ce crustacé se pêche au filet au bord des côtes dans des eaux peu profonde (10 à 20 m) à bord de canots motorisés.
Quelques bateaux Camaretois de l'armement Galiard (armateur parisien) avaient aussi fait cette pêche avant la guerre 14, le Pierrot , le Titi, l'Odette ou le Rébus mais l’avaient abandonnée au bout de quelques années, préférant sans doute le métier des casiers ou du transport de crustacés..

Le Marin du 28 décembre 1951 rapportait : Le langoustier belle Bretagne, de Douarnenez, patron Baptiste Fiacre qui avait quitté le port le 28 octobre pour se rendre sur les côtes de Mauritanie se livrer à la pêche de la langouste verte est rentré à Camaret le 20 décembre, ou il a vendu sa cargaison (10 tonnes environ) aux mareyeurs de ce port à raison de 460 frs le kg.

La langouste rose ?

On savait qu’il existait une autre espèce de langoustes, la rose. En 1923 des camaretois en avait pêché en quantité sur le banc de Corinche au large du Portugal. En 1953 le chalutier « El Mabrouk » basé à Casablanca pêchait occasionnellement de grosses quantités de langoustes roses dans son chalut. Auguste Drévillon se souvient d’une discussion avec le patron, leur deux bateaux étant à couple à Casablanca.

Témoignage: Auguste Drévillon (le 10 mai 2006) Je savait qu’il y avait de la langouste rose car je rencontrais parfois à Casablanca, Fernand, un gars de Fécamp, patron d'un chalutier marocain, coque acier qui faisait faisait le chalut au large des eaux mauritaniennes.
Les bateaux bord à bord il racontait qu'à certains endroits Il pêchait de la langoustes rose plein son chalut, autant sur le sable que sur la roche disait-il. Pour lui ces prise étaient accessoires car recherchait le poisson blanc. Il me demanda d'aller avec lui, je ne voulais pas, d'autres aussi ont refusé. C’est la « Petite Folie » qui y est allée en premier.(interview de Daniel Fra en 2006)
Un projet de prospection.

En décembre 1954 la section langouste du comité interprofessionnel des crustacés s'était réuni pour organiser une prospection des langoustes roses dans les environs du Cap Blanc. Les principes de cette expédition furent mis en place :

    Une zone de prospection définie entre entre les latitudes 16° N et 26° N par des fonds de 100m.
    3 langoustiers de Camaret étaient volontaires pour l'expédition.
    Une garantie de 3 millions de francs fut prévue pour dédommager les prospecteurs qui ne couvriraient pas leurs frais par la pêche.
    Les bateaux seraient dotés d’une radio et devraient rendre compte régulièrement de la pêche au comité des pêches.
    Un membre de ISTPM (Institut Scientifique et Technique des Pêches Maritimes) pourrait être embarqué sur un de bateaux.

Cette expédition se réalisa, mais plus tard, en 1956 avec 4 langoustiers camaretois. lire

Louis Callec se lance dans l'aventure africaine

Un premier bateau

En décembre 1953, Louis Callec, qui commandait le langoustier Sarabande sur les côtes anglaises fut sollicité par un groupe de mareyeurs et commerçants pour prendre le commandement d'un nouveau navire du type "mauritanien et se lancer dans la pêche aux langoustes vertes. Il accepta et le bateau fut commandé dés janvier 1954 aux chantier Chauffeteau des Sables d’Olonne, car les chantiers camaretois ne pouvaient assurer la construction d'un tel navire avant deux ans.

Louis Callec

Louis Callec avait commencé le métier de langoustier par la pêche côtière sur le Trez Rouz vers 1930, avant de faire construire La Sarabande en 1949, langoustier de 13 mètres avec lequel il fréquentait les côtes anglaises. En 1952, il était parti, avec la Sarabande en prospection pour les homard Au pays de Galles, en baie de Cardigan. Ce fut un succès car plusieurs bateaux camaretois y retournèrent pendant quelques années.
C'est peut être la raison pour laquelle un groupe d'investisseurs, mareyeurs et commerçants lui proposèrent en décembre 1953 de prendre le commandement de ce nouveau grand navire.

Sa vie de pêcheur "mauritanien" fut courte mais intense. Il a effectué quatre voyages pour comprendre et mettre au point la capture de cette langouste rose qui relança la pêche langoustière à Camaret et à Douarnenez, il est décédé le 05 mai 1956, un peu plus d'un an après son premier voyage en Mauritanie.

Ma petit Folie

Le bateau mesurait 29 m, c'était le plus grand langoustier du port. Construit aux Sables d’Olonne par le chantier Chauffeteau, il ressemblait aux grands langoustiers de Douarnenez. Au printemps 1955, après environ un de construction, le navire arrivait à Camaret pour quelques finitions. Si la coque avait été construite aux Sables, Louis Callec avait tenu à faire participer les chantiers Camaretois. Ainsi, les 2 annexes furent construites chez Keraudren, la motorisation installée par l'entreprise Grouhel, les cuves à la MGM, et la voilure chez Auguste Landrac.
Tradition oblige, il fut béni par le clergé camaretois, (les abbés Le Roux, Guezingar et le vicaire Kerleguer...) Il fut baptisé Ma petite folie, sans doute à cause de la chanson de Line Renaud sortie en 1954.

Camaret
La "Petite Folie" de Louis Callec