La langouste rose en Mauritanie

A Camaret on pêchait de la langouste rouge sur les côtes anglaises, irlandaises, écossaises, on allait au Portugal, en méditerannée, au Maroc, mais pas plus au sud. Pourtant on savait que sur les côtes de Mauritanie il y avait de la langouste.

Camaret
"Odette"

Les camarétois avaient déjà fréquenté les côtes du Rio del Oro, avant la guerre 14-18, ils avait pêché la langouste verte à bord de grands langoustiers tels que le Pierrot , le Titi, l'Odette ou le Rébus.

Mais cette pêche, qui se pratiquait aux filets le long des côtes n'avait pas séduit nos marins de Camaret, plus habitués à la pêche aux casiers. Rapidement l'exploitation de la langouste verte est devenue la spécialité des douarnenistes. Douarnenez a continué cette pêche pendant une cinquantaine d'années.
Régulièrement de grands langoustiers douarnenistes attirés par nos mareyeurs venaient jusqu'à Camaret pour décharger des quantités importantes de langoustes vertes.

1953-54 la langouste rouge se fait rare

Les langoustiers camaretois, qui dès 1945 avaient repris leur pêche traditionnelle des langoustes rouges sur les côtes du Portugal, du Maroc d'Angleterre avaient bénéficié du repeuplement des fonds pendant les années du conflit de la deuxième guerre mondiale. Les rapport avaient été importants de 1946 à 1950, mais ensuite se sont mis à baisser régulièrement. En 1949 on avait débarqué près de 480 tonnes de langoustes rouges pour seulemnt 200 tonnes en 1954. Camaret et le autres ports langoustiers se posaient des question sur la pérénité de cette pêche.

Les langoustiers qui pratiquaient la pêche au Maroc avaient des contacts avec des patrons de chalutiers espagnols ou marocains. Ils savaient qu'occationnellement ces derniers pêchaient dans leur chalut de grandes quantités de langoustes d'une autre espèce peu connue à l'époque, la langouste rose. En Bretagne le commité des crustacés s'était reuni en 1954 pour examiner cette piste et encourager des initiatives de prospection. Des langoustiers camaretois étaient interessés.

Camaret
La "Petite Folie" de Louis Callec

En 1954 Louis Callec, qui commandait le langoustier Sarabande et pêchait sur les côtes anglaises, soutenu par certains mareyeurs passe commande d'un grand langoustier du type mauritanien. Il envisage d'aller pêcher la langouste verte sur les côtes du Rio Del Oro comme le faisaient les douarnenistes.

Le bateau mesure 29 m, c'est le plus grand langoustier du port. Construit aux Sables d’Olonne par le chantier Chauffeteau, il ressemble aux grands langoustiers de Douarnenez. Au printemps 1955 le navire arrive à Camaret et, tradition oblige reçois la bénédition du clerger, des abbés Le Roux, Guezingar et du vicaire Kerleguer... Il est baptisé Ma petite folie, sans doute à cause de la chanson de Line Renaud sortie en 1954. Arborant le grand pavois évolutue en rade (voir 1955 petite folie).

Louis Callec était un patron pêcheur camaretois, il avait commencé le métier de langoustier par la pêche côtière sur le Trez Rouz vers 1930, puis avait fait construire La Sarabande en 1949, langoustier de 13 mètres avec lequel il fréquentait les côtes anglaises. En 1952, il est parti, avec la Sarabande en prospection pour les homard dans le nord de l'Angleterre, en baie de Cardigan, ce fut un succès car plusieurs bateaux camaretois y retournèrent pendant quelques années.

C'est peut être la raison pour laquelle un groupe d'investisseurs, mareyeurs et commerçants lui proposèrent en décembre 1953 de prendre le commandement de ce nouveau grand navire.

 

Cependant, Louis Callec avait une autre idée en tête, celle d'aller voir, au large de la Mauritanie si ces langoustes roses, parait-il abondantes étaient exploitables selon les méthodes traditionnelles des camaretois.

Premier voyage

23 mars-

La Petite Folie et son équipage quittent Camaret le 25 avril 1955, en route pour une incertaine aventure. Ils sont équipés pour la langouste verte, 2 canots auxiliaires, et filets à langoustes. Comme les camarétois n'ont jamais pratiqué ce métier, ils ont pris dans l'équipage deux douarnenistes. Ils ont aussi embarqué 100 casiers du type utilisé pour la langouste rouge et une tonne de boëtte salée (appât pour les casiers) . Le langoustier est équipé d'une radio.


La prospection commence à 45 milles nautiques dans le NW du Cap Blanc pendant deux jours, sans aucun résultat.
Le patron Callec décide alors d'aller au Cap Blanc ou se pêche la langouste verte, il espère des renseignements plus précis sur le lieux de pêche.

La pêche des langoustes vertes, au filet sur les côtes de Rio Del Oro ne démarre mal, 500 kg en 10 jours, ce qui est un maigre résultat.
Renseigné à la radio par le chalutier marocain Mabrouk sur une zone plus favorable pour la langouste rose, Callec tente un nouvel essai par 18°30 de latitude N sur des fonds de 100 mètres.

Les débuts sont difficiles, le premier jour aucune langouste, puis 2 le lendemain, puis la pêche s'améliore. En 10 jours, Ma Petite Folie relève dans ses casier 3 tonnes de roses. Mais bientôt il faut interrompre la pêche, un homme de l'équipage est malade, il doit être soigné à Port-Etienne, ils perdent 8 jours et au retour ne retouvent pas la zone de pêche. Après 5 jours de tâtonnement ils pêchent 3 tonnes en 10 jours.

Le temps se gâte, un fort courant les empêche de travailler pendant 5 jours.

Le patron Callec décide alors de retourner pêcher des langoustes vertes pour assurer la rentabilité du voyage. En deux semaines 4.5 tonnes de vertes sont mises en vivier, puis ils décident de rentrer en France.

La Petite Folie a dans son vivier 7.5t de langoustes roses et 4.5 t de langoustes vertes.

Le retour est mouvementé le langoustier rencontre au sud des Canaries des vents contraires et une mer forte. La cargaison vivante souffre des mouvements du bateau.

Arrivé à Camaret le 21 juillet, après un voyage de 90 jours l'équipage de Ma Petite Folie décharge de son vivier 3.1 tonnes de roses et 5 t de vertes. Ils ont perdu 5 tonnes de langoustes roses pendant le voyage, c'est énorme et c'est une grande déception. La perte est attribuée aux mauvaise conditions climatiques durant le retour.

Louis Callec a démontré que la langouste rose existe bien, qu'on peut la pêcher au casier commme la langouste rouge.
Qu'il existe encore un problème de transport qui n'est pas règlé.
Un autre problème est la taille de ces langoustes qui pèsent en moyenne 2kg, plus du double du poids demandé par les mareyeurs, c'est un obstacle à la commercialisation.

Deuxième voyage

(11 aout - 3 novembre 55)

Ma Petite Folie quitte Camaret le 11 aout 1955 pour continuer ses essais de pêche de langoustes roses.
Après une escale de deux jours à Port -Etienne, le langoustier appareille le 26 aout pour l’ouest du Banc d’Arguin, latitude 19°55 N par des fonds de 100 mètres. En 3 jours ses 175 casiers pêchent 14 langoustes.
Après un passage à Port Etienne pour réparer le sondeur et embarquer un membre de l’ISTPM (Institut Scientifique et Technique des Pêches Maritimes) ils se remettent en pêche le 2 septembre.
En 7 jours 2.9 tonnes de langoustes pesant en moyenne 1.7 à 1.8 kg sont pêchées. Mais l’équipage se rend compte d’une forte mortalité à l’intérieur du vivier. Louis Callec décide d’abandonner la pêche des langoustes roses et d’assurer son voyage avec des langoustes vertes au Cap Blanc.
Ma Petite Folie est rentrée à Camaret le 3 novembre 1955 avec 10 tonnes de langoustes vertes vendues 660 fr/kg. Toutes les langoustes roses étaient perdues.

Conclusions : Louis Callec a perdu la totalité de sa pêche de langoustes roses, cette fois ce n’est pas du au mauvais temps, mais selon les conclusions de l’institut des pêches, à la différence de température entre la surface (28°) et celle du fond à 100 mètres (15°).

Troisième voyage

20 Décembre 1955- février 56

Ma Petite Folie et son équipage quittent Camaret le 20 décembre 1955 pour son troisième voyage, avec toujours le même objectif, celui de maitriser cette pêche d’une nouvelle espèce de langoustes LA ROSE.
Après une escale à Vigo le 24 décembre pour soins au patron, ils vont souter à Las Palmas (Canaries) le 1er janvier 1956.
Le 5 janvier à Port Etienne, ils se joignent à la Tramontane de Douarnenez qui va aussi essayer la langouste rose.
Descendus plus au sud (de 19°23 N à 19°28 N) les 175 casiers sont mouillés par 80 à 100 mètres de fond Ma petite Folie pêche 12.4 tonnes de langoustes rose en 16 jours. Elles sont très grosses, 2kg de moyenne.
Le 25 janvier, la pêche étant assurée, ils mettent le cap sur la France en surveillant attentivement le vivier, d’ailleurs, pour la première fois,  ils sont équipés d’un scaphandre qui permet de descendre à l’intérieur du vivier.
 Durant le voyage du retour ils rencontrent du mauvais temps et retirent environ 600 langoustes mortes, soit 10% de la cargaison.
Le 13 février ils déchargent 10.760 kg de langouste roses à 450 Fr/kg.
Le voyage est techniquement réussi, mais la rentabilité reste faible.


Conclusions : Louis Callec et son équipage ont prouvé qu’on pouvait pêcher la langouste rose au casier, et la transporter vivante en vivier. Le paramètre critique est celui la température, les eaux chaudes de l’été ne sont pas favorables au transport.
La Tramontane langoustier de Douarnenez a aussi réussi son voyage.

Quatrième voyage

28 février 56  -  12 avril 56  (45 jours)

Départ de Camaret le 28 février 1956, l’objectif étant de ramener des langoustes roses plus petites que les précédentes.
7 mars 1956 Las Palmas pour soutage
12 mars Port Etienne pour quelques malades. Rencontre de ISTPM et des patrons de chalutiers.
15 mars en pêche 19°50 N par des fonds de 70 à 90mètres. 2 filières de 6 casiers, en 3 h 95 langoustes dont 75 gardées, les autres trop grosses. Ils mouillent deux autres filières, soit en tout 144 casiers.  Pêche 400 langoustes de 1.7 kg en moyenne. Puis une 5 eme filière.
Le sondeur tombe en panne.  En 8 jours ils pêchent 10.5 tonnes dont 2.5 t rejetées car trop grosse.
1 avril ils font route France

A la veille du 5 ème voyage Louis Callec, agé de 51 ans est décédé d’un crise cardiaque.(11 mai 56)

mais la conservation est difficile dans le vivier car les langoustes ne montaient pas sur les étagères et restaient au fond nuisant ainsi à la circulation de l’eau et se blessant avec le roulis ; les pertes furent considérables.

Important 4 langoustiers Camaretois firent aussi l’expérience de la mauritanie (55 à 70 tx) essayerent la rose au lieu d’aller au Maroc, mais ce n’était pas rentable pour des bateaux de ce tonnage. (dans le même article)

Les 28 mauritaniens de Camaret